La Fédération Nationale des Organisations Paysannes (FENOP) œuvre pour la souveraineté alimentaire. Elle a un journal en ligne nommé FENOP-Info qui paraît tous les trois mois et qui s'intéresse principalement à l'agriculture durable et à l'agro-écologie. C'est dans cette optique qu'elle a approché l'association Yelemani, qui fait de la souveraineté alimentaire son cheval de bataille pour un entretien. L'interview a eu lieu au mois de mars dernier avec la coordinatrice de Yelemani et une des dix sept femmes partenaires de l'association sur le terrain à Lumbila.

 

L'Association Yelemani a vu le jour en 2009 en se donnant pour mission de travailler dans la promotion de la souveraineté alimentaire à travers la valorisation des ressources culinaires, culturelles et écologiques du territoire burkinabé. Nous avons effectué une visite sur leur site avec la responsable Madame Blandine SANKARA.

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FENOP-Info : Nous voici donc à Lumbila, sur le site de Yelemani. Racontez-nous comment vous avez dé¬marré ce projet.

Blandine SANKARA : Nous avons acquis ce terrain, qui fait 1 hectare 700, en 2004. Pendant des années, le terrain est resté sans être clôturé, et rien n'y poussait car les animaux rentraient et mangeaient tout ce qu'ils trouvaient. Et quand nous avons pu clôturer, en l'espace d'une année, tout a recommencé à pousser. Et là nous avons le début embryonnaire du potager agro-écologi¬que, c'est vraiment une ébauche pour le moment. Au départ, le sol était très sec et caillouteux. Les gens qui m'ont vendu ce terrain, l'ont délaissé pour aller plus loin, parce qu'ils trouvaient qu'il n'est plus bon. Ils l'ont cultivé pendant longtemps et le sol ne donnait plus.

FI : Ils pensaient qu'il n'y avait plus rien à en tirer ?

BS : C'est ça. Et quand le jardinier agro-écologiste est venu sur le site, il a choisi un endroit du terrain où le sol n'est pas bon, plutôt qu'en amont où la terre est plus fer¬tile, mais il tenait à démontrer aux gens de Lumbila que c'est possible de récupérer ce sol et qu'il est possible de faire pousser des légumes dessus. 17 femmes de Lumbila sont venues pour travailler ici et elles pensaient vraiment que le choix n'était pas bon. Comme c'est une zone maraîchère, elles ont déjà des connaissances, mais seulement avec des techni-ques modernes, avec des produits chimiques. Notre ob¬jectif est bien sûr de produire pour vendre, mais aussi de leur montrer que c'est possible de cultiver avec les tech¬niques agro-écologiques, avec seulement du compost. Donc ce potager est à ses débuts, avec 17 femmes, mais on cherche à l'agrandir, sur tout le long du terrain, parce que dès que les autres femmes de Lumbila ont vu que ça donnait, elles sont venues nous voir pour nous dire qu'elles ont envie de faire partie aussi de ce groupe.

FI : Est-ce qu'elles ont réussi facilement à chan¬ger de pratiques ?

BS : Pas facilement non, mais sous surveillance du jardinier agro-écologiste et du gardien, qui habite sur place, et qui a suivi la for-mation avec le jardinier. Donc ils veillent à ce que les femmes appliquent ce que le jardinier leur a montré.

FI : Et comment fonctionnez-vous avec ces fem¬mes maraichères ?

BS : Le système que nous appliquons est à la fois in¬dividuel et collectif, chacune a 5 planches et en même temps, celle qui ne peut pas venir travailler aura une autre pour la remplacer et on note dans un cahier son nom et le nombre d'heures qu'elle a travaillées à la place de l'autre femme. Parce qu'on connait les activi¬tés des femmes, surtout en milieu rural, on ne peut pas leur dire de venir tous les jours, parce qu'il faut arroser matin et soir, mais elles peuvent se remplacer les unes les autres, comme un système de banque, et de crédit. Et au bout de 3 mois, on verra qui a du crédit pour qui, ou bien un débit. Nous avons élaboré un contrat pour situer les responsabilités de l'association et les leur aussi. Nous nous chargeons de vendre et livrer les lé¬gumes à Ouaga, nous fournissons l'eau avec un forage qui fonctionne avec une pompe à gasoil, et le matériel. Elles ne se chargent donc que de travailler, tout leur est fourni. Ensuite avec une balance, chacune pèse sa production, et nous leur achetons, et c'est bien précisé dans le contrat combien on retire par kilo, pour l'eau, pour l'amortissement du matériel, et pour le gasoil.
Nous avons démarré il y a 3 mois et vraiment on est tous contents parce que ça donne, et l'équipe fonction¬ne bien. Les femmes sont engagées dans leur travail, parce qu'elles sont venues de manière volontaire.

Propos recueillis par Alexandra MELLE

FENOP INFO N° 017 de Janvier - Février - Mars 2014